LA FAIM DANS LE MONDE
Le 24 juillet 2024, les Agences de l'Organisation des Nations Unies (ONU) ont publié leur rapport sur l'insécurité alimentaire dans le monde. Ces Agences onusiennes sont : le Programme Alimentaire Mondial (PAM), le Fonds International de Développement Agricole (FIDA), le Programment des Nations Unies pour le Développement (PNUD), etc. Leur constat général est que la faim s'est maintenue à un niveau élevé en 2023 : 9,1 % de la population mondiale est victime de la sous-alimentation. Or, cette proportion, en 2022 comme en 2023, a stagné, ce, après plusieurs années antérieures de dégradation des indicateurs alimentaires.
Pourtant, l'objectif des Nations-Unies demeure d'éliminer la faim dans le monde à l'horizon 2030. Mais, à ce rythme, il faut toujours craindre que cet objectif ne soit pas attint, par la force des choses. En tout, 733,9 millions de personnes souffrent de sous-alimentation chronique, selon le Rapport SOFI (State Of Food Insecurity) découlant des travaux du PAM, du FIDA, de l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) et de l'UNICEF.
Ces organisations internationales entendent, par-là, tirer la sonnette d'alarme, considérant que l'éradication de la faim dans le monde constitue le deuxième des Objectifs de Développement Durables (ODD). Or, rappelons-le, c'est un objectif que la Communauté internationale s'est fixée à l'horizon 2030, c'est-à-dire dans six ans !
LE GASPILLAGE ALIMENTAIRE DANS LE MONDE
Le 27 mars 2024, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) a publié son rapport sur le gaspillage alimentaire dans le monde. Bien des enseignements ont été tirés pour la compréhension du phénomène. C'est d'autant plus un paradoxe que, dans le même temps, il y a des gens qui meurent de faim ou ne mangent pas à leur faim sur toute la planète.
Ainsi donc, dans le monde, 1 milliard de repas est gaspillé par jour, alors que 800 millions de personnes ne mangent pas suffisamment. Chaque habitant gaspillerait en moyenne 79 kg de produits alimentaires. En outre, 20 % de la nourriture produite et vendue aux consommateurs finissent dans les poubelles. Or, les déchets alimentaires représentent près de 30 % des terres cultivables.
Au surplus, avec la nourriture gaspillée dans le monde, il serait possible de fournir 1,3 repas par jour à tout être humain victime de la faim. Or, les ménages gaspillent 60 % de leur nourriture, soit l'équivalent de 630 millions de tonnes. Les restaurants et les cantines, quant à eux, produisent 28 % des déchets alimentaires. A leur tour, les commerces de détail (supermarchés et épiceries) gaspillent 12 % de la nourriture dans le monde. Enfin, 50 % du gaspillage alimentaire mondial interviennent lors de la production, de la récolte, du stockage et du transport des denrées périssables.
Au total, le gaspillage alimentaire se chiffre, par an, à 1000 milliards de dollars (924 millions d'euros) de pertes pour l'économie mondiale, soit 132 € par personne ! Et pour la FAO, le gaspillage alimentaire cause à l'environnement des dommages terribles s'élevant à 647 milliards de dollars par an. Par ailleurs, il provoque entre 8 et 10 % des émissions de gaz à effet de serre. Il entraîne également une perte importante de la biodiversité, puisqu'il est réalisé annuellement sur près d'un tiers des terres cultivables de la planète.
C'est à se demander ce que font les Etats pour en sortir durablement ! En fait, depuis 2022, on observe que seulement 21 Etats ont intégré dans leurs plans de lutte contre le réchauffement climatique la question même du gaspillage alimentaire. Parmi ces pays, on peut citer entre autres : le Cap-Vert, la Chine populaire, les Emirats Arabes Unis et la Namibie. Pour leur part, le Japon et le Royaume-Uni sont parvenus à réduire de 31 à 18 % le gaspillage alimentaire sur leurs territoires respectifs.
Enfin, il est toujours de bon aloi de mettre en perspective et en œuvre une label mondial contre le gaspillage alimentaire, surtout dans le secteur de la Distribution. Encore que les pays du G 20 disposent désormais d'outils d'approche et d'instruments de mesure pour évaluer leurs progrès respectifs dans la lutte contre le gaspillage alimentaire.
LE BILAN CARBONE DANS LE MONDE TOUJOURS ELEVE
Le 24 octobre 2024, le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) a publié son rapport, le quinzième du genre (Gaz à effet de serre ou GES). On y apprend que les émissions de carbone sont toujours trop élevées dans le monde, malgré une prise de conscience planétaire. En effet, la production des gaz à effet de serre reste toujours très importante et ne contribue nullement à la réduction des températures sur terre en dessous des seuils fixés en 2015, lors de la COP de Paris. Il était alors prévu que la limitation de la hausse des émissions de carbone soit inférieure à 2° C, voire si possible à 1,5° C.
Or, pour le PNUE, si rien n'est fait de plus drastique, le réchauffement climatique pour toute la Terre pourrait s'élever à + 3,5 °C d'ici la fin du 21e siècle. Pour y remédier, il faut que tous les Etats puissent mettre en œuvre plus rigoureusement leurs engagements climatiques, leurs contributions déterminées au niveau national (CDN). Déjà, en 2023, l'ONU misait sur une augmentation de 2,5°C à 2,9 ° C en 2100. Or, faute d'action significative, le Monde court à la catastrophe et, déjà, les populations vulnérables paient les conséquences de la hausse des émissions de CO.2, de la fréquence et de l'intensité des phénomènes climatiques (montée des eaux, ouragans, cyclones, typhons, inondations, incendies, sécheresse, etc.).
En attendant, il est bien remarqué que la progression des activités humaines - de l'ordre de 1,3 % de 2022 à 2023 - impacte gravement les émissions de CO.2 dans le monde. Or, durant la décennie 2010-2019, cette progression n'a été en moyenne que de 0,8 %. En 2023, toute la planète a dégagé l'équivalent de 57,1 gigatonnes de CO.2, dont : 15,1 gigatonnes pour le secteur de l'Energie, 8,4 gigatonnes pour le celui des Transports, 6,5 gigatonnes pour l'Agriculture, 6,5 gigatonnes pour l'Industrie. En outre, l'Aviation a atteint 2 % du Total des émissions de carbone en 2023, soit une hausse de 19,5 % par rapport à 2022, ce aussi contre une croissance moyenne par an de 3,1 % au cours de la décennie 2010-2019.
Au surplus, parmi les Etats considérés comme "les plus gros émetteurs" de carbone entre 2022 et 2023, il y a entre autres : la Chine, avec16 gigatonnes, soit 30 % du Total des pays d'émission du carbone ; les Etats-Unis d'Amérique, avec 6 gigatonnes ; et l'Inde, avec 4,1 gigatonnes, soit 8 % du Total. quant à l'Union Européenne (UE), regroupement de 27 Etats d'Europe de l'Ouest et de l'Est, elle arrive au quatrième rang, avec des émissions de l'ordre de 3,2 gigatonnes. Pour sa part, l' Union Africaine (UA), organisation de 55 Etats n'a émis que 5 % des gaz à effet de serre (GES).
Pour gagner la bataille du climat, pour atteindre la neutralité carbone en 2050, tous les Etats doivent revoir en profondeur et en qualité leurs contributions déterminées au niveau national (CDN) pour se donner les moyens substantiels. Ils doivent bien connaître les enjeux et adapter leurs stratégies d'action pour atteindre l'objectif fixé au plan mondiale. Pour les experts du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC), il faut parvenir à près de 90 % de réduction d'émissions de CO.2, et en s'engageant fermement et scrupuleusement dans la transition écologique à partir de maintenant, avant qu'il ne soit trop tard.
Car, si la courbe des politiques actuelles n'est pas inversée dans le bon sens, avec détermination résolution, il est possible que l'humanité entière puisse encore produire 57 gigatonnes à l'horizon 2030. En gros, cela ne représentera qu'une baisse de 4 % des émissions de carbone par rapport au seuil de référence de 2019. Et, pour parvenir aux seuils de 2 °C ou de 1,5 °C en 2030, les Etats doivent baisser le dégagement des gaz à effet de serre de l'ordre de 28 % à 42 % !
Ainsi, malgré quelques efforts, il est toujours à craindre toujours que la température ne continuât d'augmenter. Or, pour stabiliser le réchauffement climatique, le monde doit avant tout atteindre la neutralité carbone, quitte à mettre en œuvre, par la suite, d'importantes émissions négatives de carbone en appliquant deux solutions efficientes : l'une naturelle, l'absorption du CO.2 par la nature ; l'autre technologique, la géo-ingénierie. Ce n'est ainsi qu'il sera possible de faire baisser le thermomètre de la température mondiale.
Encore faut-il que les Etats puissent mener des actions efficaces comme par exemple : respecter scrupuleusement les engagements pris au plan multilatéral ; multiplier les investissements "au moins par six" et mieux les orienter dans la lutte contre le réchauffement climatique ; définir les efforts spécifiques et propres à chaque secteur d'activité ; augmenter la capacité productive des énergies renouvelables ; améliorer l'efficacité énergétique d'ici 2030 ; abandonner progressivement les combustibles fossiles.
LE FINANCEMENT DU CHANGEMENT CLIMATIQUE
La 29è Conférence mondiale sur le climat qui s'est tenue à Bakou (Azerbaïdjan) du 11 au 22 novembre 2024 avait pour enjeu principal de trouver un accord sur le financement du changement climatique et ses conséquences dans le monde actuel. On sait qu'en 2009, le mécanisme financier convenu par les Etats visait un objectif annuel de mobiliser 100 milliards de dollars US (92 milliards d'euros) par les pays riches et pour les pays en développement. Mais, aujourd'hui, cette somme s'avère insuffisante devant l'ampleur des besoins. Car, on assiste, plus que jamais, à un renforcement considérable des impacts négatifs du changement climatique partout sur la planète, dans les pays riches comme dans les pays pauvres, dans les pays insulaires, les pays côtiers comme dans les pays enclavés.
A l'évidence, il paraît complexe d'évaluer les coûts aussi bien de la diminution des émissions de carbone que de la confrontation aux effets du réchauffement climatique, dans le Nord comme dans le Sud. Encore que le Comité financier de la Conférence climat soit parvenu à chiffrer à 5 900 milliards de dollars d'ici à 2030 le financement des besoins des pays du Sud. Toutefois, certains de ces pays recherchent la mise en œuvre d'un objectif de financement de l'ordre de 1000 à 1300 milliards de dollars par an à l'horizon 2030. Ils arguent que les pays du Nord sont les principaux responsables des émissions de gaz à effet de serre et du changement climatique en cours. Aussi, les pays du Sud revendiquent-ils le versement de financements plus importantes pour faire face aux catastrophes naturelles qu'ils subissent de plus en plus. Or, pour les pays riches, il faut comptabiliser les prêts et les dons qu'ils consentent aux pays pauvres, là où ces derniers ne voient que des compensation financières pas du tout à la hauteur de la situation climatique endurée. Or, selon l'ONG Oxfam, sur les 116 milliards de dollars mobilisés en 2022 par les pays riches pour aider les pays pauvres, seulement un tiers de cette somme pouvait être considéré comme des financements climat.
Au-delà de la prise de conscience de tous les Etats sur les enjeux du réchauffement climatique, il est toujours à redouter que la question de l'argent ne vienne percuter les bonnes intentions des uns et des autres. Il y a bien un principe de réalité à prendre en compte : les pays riches ne sont pas prêts à financer le changement climatique à la hauteur que le souhaitent les pays pauvres. Aussi l'objectif d'un financement à 1000 milliards de dollars paraît-il irréaliste, en l'état actuel de l'économie mondiale, laquelle pâtit de l'inflation, de l'austérité budgétaire, du déséquilibre commercial et du protectionnisme. D'ailleurs, à Bakou, la Conférence s'est achevée sur un accord de principe revoyant à la baisse l'objectif de financement du réchauffement climatique : 300 milliards de dollars par an que les pays pauvres doivent recevoir des pays riches !
Pourtant, le financement de la transition écologique pour les Etats du Sud global s'avère crucial pour leur permettre de faire face aux catastrophes dues aux émissions de gaz à effet de serre et au réchauffement climatique. Or, faute d'un compromis raisonnable avec les Pays du Nord, il est toujours à craindre que les objectifs communs ne soient pas atteints, au grand dam des Etats insulaires et des Pays les moins avancés (PMA). De plus, on navigue d'autant plus à vue que l'horizon du nouvel objectif de la lutte contre le réchauffement climatique n'a pu être fixé lors de la COP 29 à Bakou.
COP 16 : Riyad, décembre 2024
En décembre 2024, Riyad, la capitale de l'Arabie Saoudite a abrité la Seizième Conférence bisannuelle (COP 16 des membres de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD). Au menu, les participants (24 000 inscrits) étaient conviés pour discuter résolument de l'adoption d'un protocole international contraignant de résilience à la sécheresse. Mais, à l'issue de la conférence, aucun texte final contraignant n'a été adopté. Malgré tout, les participants se sont félicités de l'émergence d'une prise de conscience mondiale de l'urgence à agir, tout en reconnaissant que la désertification fait peser des risques incalculables sur l'alimentation.
Le pays hôte a proposé la création d'un Observatoire international de la résilience à la sécheresse (IDRO en anglais) dont l'alimentation serait assurée par l'intelligence artificielle. Il s'agirait ainsi d'aider les pays victimes de la sécheresse à mieux dimensionner leurs projets et à être surs de leur impact sur le terrain. Il a également lancé l'idée d'un Partenariat mondial de Riyad en vue de mobiliser des financements publics aux fins de soutenir quatre-vingt des pays les plus touchés par la sécheresse. Cette nouvelle instance disposerait d'un engagement de départ de 2,15 milliards de dollars U.S. (soit 2 milliards d'euros). Lors de la COP 16, des engagements ont été pris par certains pays donateurs pour constituer un fonds de 12 milliards de dollars. Or, il faudrait investir 2600 milliards de dollars entre 2025 et 2030 - soit 1 milliard de dollars par jour - aussi bien pour lutter efficacement contre la désertification que pour œuvrer à la restauration des terres abîmées. Cette somme tant réclamée fait toujours débat : les principaux bailleurs de fonds reprochent aux pays africains d'être, non seulement très intéressés par l'argent mais encore trop imprécis dans l'expression de leurs besoins réels. Toutefois, pour les ONG, cette somme si vitale pour la planète est l'équivalent exact des subventions nuisibles à l'environnement accordées chaque année dans le monde.
D'autres avancées ont été constatées à la conférence de Riyad sous l'aiguillon de l'urgence à faire le lien entre la dégradation des terres et la sécurité alimentaire. Première avancée : le Programme d'action de Riyad entend mobiliser des acteurs publics et des acteurs privés pour trouver des solutions à la désertification et à la sécheresse en vue de réaliser des systèmes agroalimentaires durables, résilients et inclusifs. Deuxième avancée de Riyad : une résolution spécifique a été adoptée pour inciter les 196 Etats membres de la CNULCD à éviter, réduire et inverser la dégradation des terres et des sols agricoles par la mise en œuvre de solutions fondées sur la nature. Il est surtout question de restaurer 1 milliards d'hectares de terres d'ici 2030 pour mettre un terme à la conversion des forêts et des prairies en terres agricoles, mais aussi pour inverser la perte de biodiversité. La troisième avancée porte sur l'engagement pris par le Fonds pour l'Environnement Mondial (FEM) d'orienter la somme de 282 millions de dollars vers son Programme intégré des systèmes alimentaires (PSIP) afin de faire face à l'urgence tant de la prévention de la perte de la couche arable que de la restauration des terres agricoles. Quatrième et dernière avancée de la COP 16, c'est la prise en compte de la nécessité d'évoluer vers la mise en œuvre mondiale de l'agroécologie. Car, il faut bien prendre conscience que pour nourrir tous les Terriens, il importe de "commencer par nourrir les sols avec du compost et des engrais verts, les couvrir et préserver l'eau qu'ils contiennent".
(Source : Le Monde Dimanche 15 - Lundi 16 Décembre 2024, p. 13)
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